11 mai 2019

Liberté et discipline


Plusieurs amis m'envoient écouter France Info ... on y parle d'écoles où c'est parfois n'importe quoi !
Dans certaines écoles ...aucune discipline n'existe, c'est un désastre.

et en parallèle, je reçois des parents venus visiter l'école pour inscrire leur enfant.

Deux réflexions très différentes reçues récemment

Je ne veux pas d'une école où on dise toutes les 5 minutes à mon enfant non !.
Je veux qu'on le laisse tranquille et qu'il puisse faire tout ce qu'il veut.
Il suffit de laisser les enfants libres pour qu'ils se mettent au travail !
Montessori, c'est la pédagogie de la liberté !

Ah ! moi ce que j'aime dans le "vrai Montessori c'est qu'"on" met les enfants au travail !
Les enfants de 4 ans apprennent tous à lire et à compter au delà de 1000 !
Au moins, on ne les laisse pas jouer toute la journée !
Mon enfant, au moins, il saura travailler très tôt.
Montessori c'est la pédagogie de la discipline !

Alors ? il faudrait savoir ! Liberté ou discipline !

Eh ! bien pour Maria Montessori ... on parle d'une même chose.
La liberté et la discipline sont les deux faces d'une même pièce.

On ne peut demander à un enfant d'assumer une liberté totale car il n'en a pas la maturité.
Il ne s'agit donc pas de le laisser tout faire comme il pense !
Mais il ne s'agit pas non plus de lui inculquer un programme...fut ce -t-il Montessorien !
La discipline en Montessori est un travail intérieur à l'enfant, et non pas extérieur au sens d'obéir directement à une pression.

Le "miracle" Montessorien est une triangulation pour orienter l'enfant.
Pour qu'il existe un intérêt de l'enfant pour le matériel et l'environnement comme on peut le voir dans le film "le maître et l'enfant" par exemple,
 il faut que l'éducateur prépare l'environnement pour guider l'enfant,
et qu'il puisse donner des présentations dans une relation agréable avec chacun des élèves de la classe dans une atmosphère de travail.

C'est le triangle enfant - adulte médiateur de l'environnement - environnement médiateur du savoir.

Il s'agit donc pour l'enfant ...de développer sa discipline intérieure
Se faire confiance, faire confiance à l'adulte, faire confiance au matériel pour que le travail le rende heureux !

Ce n'est pas fait tout ce que tu veux : on ne donne pas à l'enfant la liberté pour que par miracle, il s'éduque tout seul (quelle aubaine ! on a tellement de choses à faire, nous les adultes !)
Non ! ça ne marche pas comme ça !
Montessori, ce n'est pas une éducation PAR la liberté. 

Montessori c'est une éducation A la liberté ! (avec un accent ! ...= VERS la liberté !)
On donne petit à petit de la liberté à l'enfant pour qu'il est un espace suffisamment sécurisé pour s'apprivoiser lui-même.

Pour y arriver, il va falloir lui donner l'expérience de micro-frustrations pour qu'il apprenne à SE dépasser lui_même. Ce sont les prémisses de la volonté, qui est autre chose que le caprice. Le caprice qui dit "je veux , et je tape des pieds, ou sur les nerfs de l'autre, jusqu'à obtenir que L'AUTRE me donne ce que je veux.
La différence est là, Montessori c'est apprendre PAR soi-même, guidé et sécurisé par un autre.

La volonté demande de faire des expériences pour apprendre à se connaitre.
Il lui faut aussi savoir ce qu'il veut. Donc la volonté demande de déterminer ses objectifs, apprendre à ...se concentrer. c'est donc bien autre chose que suivre au fil du temps tous ces petits désirs. Il s'agit d'apprendre à renoncer, à faire des choix.

Un travail ...un plateau...un enfant. De 3 à 6 ans, il se confronte à lui-même pour apprendre de lui.

Pour l'éducateur, l'enseignant, c'est une expérience très différente de celle que la plupart d'entre nous on eu avec leur enseignant.
Pour que l'enfant puisse développer sa volonté, il faut réajuster la liberté qu'on lui donne afin de l'optimiser. On ne donne plus d'office la même chose à chaque enfant de la classe, parce qu'ils ont chacun des besoins différents. Il va se trouver qu'un nombre d'enfants de la classe a le même niveau de liberté, mais pas forcément d'enfants du même âge.

L'éducateur Montessorien doit observer, noter, rendre palpable une situation qui évolue sans cesse.
C'est un équilibriste. Il doit acquérir un autre regard sur l'enfant. Maria Montessori parle de nécessaire transformation ...de l'adulte. L'enseignant apprends lui aussi à se discipliner plutôt que "faire de la gestion de classe". Il ne s'agit pas "d'établir les règles", "d'obtenir le silence" une fois pour toutes, mais de faire vivre à l'enfant de choisir de se contraindre.

Et cela ne vient, bien-sûr que petit à petit !








18 février 2019

retour en France

Après la première période à Marrakech où j'ai appris beaucoup, je suis finalement rentrée en France.
Il y avait des désaccords ou des incompréhensions entre ce qui avait été promis au départ et ce qui a été découvert à mon arrivée.

Je ne sais pas comment on peut travailler avec des enfants de 2 classes en étant à mi-temps sur chacune d'elle, un jour dans l'une, un jour dans l'autre. Je ne pouvais observer les enfants suffisamment, étant dans l'autre classe le lendemain de ma présentation. Le matériel de français était souvent en un seul exemplaire pour les deux classes. Je me promenais avec pour faire mes présentations. Il n'était donc pas assez disponible dans la classe pour que les enfants puissent continuer leur travail...

J'ai cherché des solutions mais nous n'avions pas la même façon de voir les choses. J'ai beaucoup aimé les gens et leur générosité, mais j'ai fini par me sentir loin, trop loin de mes enfants, de mon mari et de mon pays.

J'ai donc annoncé mon départ... et je suis revenue dans ma région.

J'ai commencé à chercher du travail, car je n'avais plus de droits à la sécurité sociale en France pendant 3 mois ! Même mariée, même française, payant mes impots ici. Le choc !

J'ai accepté de travailler dans une école près de chez moi, alternative, d'inspiration Montessori, dans une situation catastrophique. L'enseignante (de collège) très volontaire pourtant, n'avait fait qu'une semaine de formation et c'était retrouvée débordée avec cette classe d'enfant pour certains pas tout à fait classiques. Elle avait donné sa démission juste avant la rentrée de novembre. L'école était très désorganisée. Les enfants de 2 ans 1/2 à 10 ans dans une seule classe...non structurée. Après le monde de l'associatif que j'avais connu à Primevère, me voici dans le monde des écoles entreprises hors contrat.

Il faut se battre, connaitre les lois, faire respecter au mieux les enfants, les familles, la convention collective aussi pour être un peu protégée. J'ai dû faire comprendre que Montessori ce n'est pas n'importe quoi ! Il a fallu tempêter, menacer de partir à mon tour, utiliser la lettre recommandée...Mais ça marche. Nous sommes une période après sur un terrain de confiance. Tout n'est pas fini et je travaille beaucoup, mais ça porte ses fruits.

Par contre, c'est épuisant ! J'aurais aimé me consacrer seulement à ma classe. Quelle vision naïve !
Je me suis retrouvée directrice sans le vouloir... et seulement 2 h de direction payée. Il a fallu me battre pour stabiliser l'équipe et garder mes collègues. L'une d'elle est finalement partie. Trop de précarité. oui c'est le mot : précarité !

La vie de ces petites écoles est précaire !
Loyer et charges sont hors de prix car il faut investir pour répondre aux différentes normes et c'est coûteux. Le personnel est l'autre charge qui représente aussi une grande partie. Plus le reste...le papier, les consommables d'imprimante, le savon, pq et autres broutilles qui vont vite ! ... petites mains en pleine découverte oblige !
Le budget sortie est vite un gouffre : 40 km -Lyon confluence 1'aller-retour : 350 euros !
Une sortie à la médiathèque par le bus de ville : 40 euros.
Tout est à la charge des parents, ce n'est donc pas étonnant qu'ils déboursent au minimum 450 euros par mois.

Mais pour ces familles c'est souvent un vrai investissement ! cela représente une part importante de leur budget, surtout dans une petite ville moyenne où les salaires ne sont pas mirobolants !
Tout le monde donne du sien pour que ces petites écoles existent.
Mais les enfants y sont heureux, ils partagent ils y vivent des expériences vivantes.
N'est ce pas pour cela que nous le faisons ?

Maria Montessori voulait que ses écoles soient de petits laboratoires où la vie soit une expérience enrichissante : la main est l'instrument de l'intelligence.
L'espace est lumineux...

C'est à l'adulte de rendre cela possible pour que la main de l'enfant travaille, et son cerveau se construira dans un environnement sans compétition, mais où la bienveillance envers soi-même et envers les autres s'apprenne petit à petit.

Non la vie des petites écoles n'est pas un long fleuve tranquille ! mais c'est passionnant !